Partie III : The show must go on

À l’aube de cette troisième semaine de confinement modéré, me voilà en terre inconnue, car cette situation est bel et bien parfaitement inédite. Entre-temps, il a été annoncé que les Jeux olympiques avaient été reportés. Et dès lors que la raison n’en est pas un contexte de guerre, cette décision est passée comme une lettre à la poste, comme s’il s’agissait de reporter un barbecue entre amis. Aussi au sein de notre groupe, une solidarité plus importante que de coutume est sollicitée.

Du pain et des jeux

« The show must go on » comme on dit, mais pas cette fois. Depuis leur création, les Jeux olympiques d’été ne furent reportés qu’à quatre reprises. En 1916, 1940 et 1944 pour cause de guerre, et aujourd’hui pour cause de lutte mondiale contre le COVID-19. Le 11 mars, le Comité olympique tirait la sonnette d’alarme. L’élément déclencheur, une déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : l’épidémie de COVID-19 est désormais considérée comme une pandémie. La ville de Tokyo, elle, ne tirait pas encore cette sonnette d’alarme, à la différence des sponsors des Jeux. En effet, pas un seul sponsor n’accepte d’être associé à un événement qui compromettrait la santé des athlètes et des visiteurs du monde entier. Puis, certains Comités olympiques émirent à leur tour quelques réserves, et les athlètes résolurent de faire entendre leur voix. L’impensable devenait réalité, bien qu’encore ignoré du grand public. Étant donné que d’en persuader les acteurs ne se fit pas en un jour, la grande nouvelle n’a pu être révélée avant le 24 mars. Une fois les Japonais convaincus de l’ampleur du problème à échelle mondiale, il fallut consulter tous les acteurs de l’événement. Tokyo consentit à un report de la date butoir : l’été 2021. Un report n’est pas le début de la défaite, mais l’impact est énorme pour de nombreux intéressés. La facture d’une telle décision s’élève à 2,45 milliards d’euros, mais il n’y a résolument pas le choix.

Ce qui m’a abasourdi autour de cette décision, c’est à quel point les médias l’ont prise à la légère. Ils l’ont annoncée, bien sûr, les athlètes ont été interviewés, les journalistes sportifs ont exposé leur analyse, mais dès le lendemain, elle était déjà présentée comme un fait divers. Le divertissement est-il de nos jours à ce point relégué au rang de spectacle accessoire ? Même lorsqu’il s’agit de l’événement le plus mythique du monde ? Les Romains gardaient le contrôle des foules avec du pain et des jeux. Aujourd’hui, on procède autrement. Lorsqu’une pandémie pointe le bout de son nez : plus de jeux ! Mais cuisons plutôt des quantités astronomiques de pain.

Mes pensées se tournent vers cette dizaine de milliers d’athlètes, qui s’entraînent depuis quatre ou huit ans pour ces Jeux. Cet événement marquait le point final d’une longue et belle carrière pour certains sportifs. Pour eux, l’année prochaine est l’année de trop, une année inenvisageable. D’autres étaient au top de leur forme. Leur élan vers la gloire olympique est coupé par un virus. Et, disons-le, cet imprévu en arrange secrètement d’autres encore. Le COVID-19 fait et défait les carrières. Le virus nous rattrape. Même ces Jeux mythiques ont perdu la bataille. Une bataille perdue oui, mais pas la guerre ! Toute crise est mère d’opportunités. Ces Jeux reportés seront peut-être vécus de manière différente, mais différent peut aussi vouloir dire mieux. Les Jeux de Tokyo seront les meilleurs Jeux de l’histoire. L’objectif ultime est toujours que chaque spectateur rentre chez lui en songeant : c’étaient les meilleurs Jeux, et j’en étais.

Il en va de même pour notre groupe. Cette crise fait mal, et nous appelons à la plus grande solidarité. Mais vectrice d’opportunités, elle nous permettra d’en ressortir encore plus forts.

En tant qu’entreprise, nous sommes intégrés à un tissu économique. Nous nous rapprochons de nos clients, comme dans l’histoire des Jeux olympiques. C’est pourquoi nous devons veiller à ce que l’infection économique au coronavirus ne rejaillisse pas sur notre groupe. Notre show must go on.

Nombreux de nos clients font preuve d’une extraordinaire compassion, et tiennent à nous laisser travailler aussi longtemps que possible. La liste s’allonge aussi de clients menacés par l’imminence de nouvelles difficultés. Ils sollicitent une réduction de nos tarifs journaliers, un délai dans le règlement de leurs factures, ou bien déclarent que tel ou tel projet ne pourra être poursuivi qu’à la condition d’en diminuer drastiquement les prix. Mais nous avons aussi des clients qui sont tenus de suspendre leurs activités, par les pouvoir publics ou pour d’autres raisons. Les secteurs tels que l’aéronautique, l’événementiel, le commerce de détail et l’horeca sont toujours sujets à une véritable réaction en chaîne. Cette réaction a provoqué un choc au sein de leur chaîne économique, qui s’en est retrouvée complètement gelée.

Heureusement, en tant que prestataire de services, nous ne sommes pas encore affectés par l’infection économique au coronavirus à l’heure actuelle. Mais nous partageons les coups, la prudence est donc de mise. Nous nous devons donc également d’appliquer toutes les mesures d’hygiène financière et de les suivre scrupuleusement. « Cash is king », surtout en temps de crise comme ceux-ci. Le virus économique se répand vite dans le monde de l’entreprise. Nous devons nous assurer que ces quelques « clients malades », qui nous paient soit en retard soit pas du tout, n’affectent pas à leur tour notre entreprise sur le plan économique. La trésorerie joue un rôle crucial dans la lutte contre la crise économique du coronavirus. Les euros seront les docteurs et les infirmières qui nous aideront à nous retaper lorsque nous finirons à l’infirmerie. Les mesures que nous avons mises en place au cours des deux dernières semaines sont une véritable gageure, mais elles constituent aussi notre armure.

Elles nous permettent d’aplatir notre courbe de cash-flow (voir figure 1) et de rester en deçà de la courbe de marge nulle. Ainsi, le scénario qui nous concerne dans un premier temps au cours de cette crise sanitaire est le scénario au cash-flow positif (la courbe bleue). Nous pourrons alors respecter nos engagements et poursuivre nos activités de manière contrôlée au cours de la crise économique à venir. Le but de tout cela : entreprendre à nouveau en tant que groupe fort et rentable au terme de cette crise.

Il faut voir notre encaisse comme une sorte de bazooka (comme celui de la Banque centrale européenne, mais un peu plus petit ?), qu’on ne peut recharger qu’une seule fois. La question est donc plutôt : « Quand tirons-nous notre bazooka ? ». Pour l’instant, au cours de ce premier mois de confinement, il est difficile de prédire si et comment nos clients paieront leurs factures. En d’autres termes : l’évolution de nos profits à court terme est encore très incertaine. Si nous récoltons moins de recettes que prévu et que nous dépensons trop vite, nous tombons dans le scénario au cash-flow négatif (la courbe rouge). Si nous dépensons plus que ce que nous gagnons, alors dans quelques mois, nous mordrons la poussière. C’est alors que nous aurons besoin de notre bazooka. Comme je le disais, et comme le montre ce graphique, il vaut mieux l’éviter. Nous ne savons pas ce qui est encore à venir. Il vaut mieux être prudent quand on avance les yeux bandés. Nous n’utiliserons notre bazooka qu’après la crise sanitaire, lorsque nous aurons une vue d’ensemble plus claire sur les dommages qu’elle aura causés. Il s’agira certes encore d’une crise économique, mais sans doute toujours en période de convalescence. Nous pourrons continuer à remplir nos obligations de manière contrôlée entre la fin de la crise sanitaire et la fin de la crise économique grâce à notre bazooka, sans avoir à affronter ce scénario aux marges négatives. Les paiements auront évidemment toujours lieu même en ces temps de crise sanitaire, mais cette démarche contrôlée permettra à notre groupe d’en ressortir en bonne forme. Je comprends votre inquiétude et vos hésitations face aux mesures entreprises. Mais ces mesures de protection sont véritablement indispensables. Des fonds en suffisance nous gardent d’un passage aux soins intensifs. Rassurez-vous, le bazooka est prêt à être utilisé s’il s’avère que l’hypothèse des soins intensifs menace de se concrétiser.

Je n’ai pas du tout l’intention d’apprendre à faire du pain.

Le 10 mars, les autorités hésitaient encore à interdire les rassemblements de plus de 1000 personnes. Car oui : « the show must go on ». Le 13 mars, le pays entrait en confinement modéré. Quelques jours plus tard, nous étions surveillés par des drones de la police. Et ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’une application nous indique quand il nous est défendu de sortir.

Durcissement exponentiel des mesures, aucun autre mot ne me vient lorsqu’il s’agit des limitations de nos libertés considérées comme ordinaires. Et pourtant, le Financial Times chante les louanges de la Belgique pour l’uniformité de son approche nationale. Peut-être ne nous en sortons nous pas si mal, malgré toutes les restrictions qui nous sont imposées, aussi pénibles soient-elles. J’invite tous ceux qui désireraient mieux comprendre pourquoi de telles mesures sont si indispensables et découvrir les solutions proposées par les scientifiques à regarder cette présentation extrêmement instructive.

Il est clair que nous voulons vaincre le COVID-19 ensemble. Mais pourquoi devons-nous soudainement apprendre quelque chose de nouveau chaque jour ? Pourquoi devons-nous soudainement conclure aujourd’hui toutes les tâches que nous avons toujours reportées à demain ? Pourquoi devons-nous tous nous mettre derrière les fourneaux, ou sur un tapis de yoga ? Je n’ai aucune intention d’apprendre à faire du pain, de maîtriser une langue ou de ranger le grenier. Je veux me reposer, je veux du temps pour moi, pour donner une place à cette situation surréaliste, je veux m’occuper d’une réalité qui est anxiogène pour tout le monde, d’une manière ou d’une autre. Que chacun vive cette crise comme il l’entend, car nous ne pouvons en déterminer l’issue. Aujourd’hui, j’essaie de concentrer mon attention sur les choses que je peux contrôler, d’en retirer le meilleur, et d’adopter une attitude stoïque vis-à-vis du reste. Cet exercice peut paraître surhumain, surtout en ces temps de crise, mais heureusement, la perfection n’est jamais de mise. C’est en gardant cela à l’esprit que j’invite tout le monde à profiter en famille du calme, du soleil, des bourgeons, des abeilles, des oiseaux, du sublime printemps naissant. Vous pouvez également profiter des ours en peluche qui nous adressent leurs regards coquins depuis nos fenêtres, une charmante idée venue tout droit d’Australie. Les enfants du monde entier partent massivement à la « chasse aux ours ». Faire sourire les enfants est l’un des bons côtés du COVID-19.

Gardez le contact, et prenez soin de vous.

#FlattenTheCurve #physicaldistancing #takecare #ensemblecontrelecorona

Take care & be safe,

Wim

A propos de l'auteur

Avatar photo

Le Groupe Cronos - The CoFoundry Plate-forme de soutien aux entrepreneurs

Comments are closed.

Envoyer un message