Le confinement est de rigueur depuis un petit mois maintenant. Quatre semaines de social distancing passées à se laver les mains, enfermés chez nous. Pas évident, mais pas sans espoir non plus. Les hôpitaux tiennent le coup, et les soins intensifs ne sont pas saturés. La propagation du coronavirus ralentit, et la courbe semble s’aplatir. Et nous, pendant ce temps, nous retombons doucement sur nos pattes : nous apprenons à nous réunir selon les bonnes pratiques virtuelles, et il est de nouveau question d’un équilibre vie-travail. Mais la courbe de mon enthousiasme face au retour du soleil, du printemps et des vacances de Pâques semble, elle aussi, s’aplatir. Je suis donc très curieux de voir la manière dont le Groupe des 10 compte nous sortir de notre isolement. On commence à grommeler, car on ne supporte plus d’être enfermés. Et pourtant, un drôle de sentiment de bonheur gratte à la porte. Nous attendons avec impatience de pouvoir retourner au travail, et de renvoyer nos enfants à l’école.
Paris, ce n’est que partie remise. Ma peur de tomber malade ou d’être contaminé s’est calmée. Mieux encore : parfois, et comme beaucoup, j’espère même avoir été touché sans le savoir, et d’avoir développé tous les anticorps qu’il faut. Si tel est le cas, nous passerons sûrement le test avec succès, et nous pourrons enfin sortir de chez nous. Pour moi comme pour les autres, ce ne serait pas de refus. Pour les vacances de Pâques, nous étions censés fêter mon anniversaire à Paris. On oublie, il est remplacé par un week-end de Pâques à Hasselt. Sympa aussi, mais je me l’étais quand même imaginé autrement. Tous mes espoirs reposent maintenant sur la période estivale. Mais comment s’assurer un aller simple vers les vacances d’été ? Pour cela, nous devons nous en remettre aux « 10 ». Ce sont eux qui décideront du sort de nos vacances, et qui organiseront le déconfinement et le retour vers notre (nouvelle) vie normale. Chacun passera vraisemblablement l’été dans son propre pays, mais au moins, nous l’espérons, en toute liberté.
« DARQ is the new SMAC » , c’était le titre de mes présentations de l’année dernière sur l’innovation et l’avenir de la technologie. Distributed ledger technologie (blockchain), Artificial intelligence (AI), Extended reality et Quantum computing devraient être les tendances technologiques de 2020. Mais mettons DARQ un peu de côté, les temps sont déjà assez « dark » comme ça. Oublions-en les différentes composantes un instant, et réinstallons le SMAC : Social, Mobile, Analytics et Cloud. Car la version 2020 a un virus.
SMAC assure notre confort, nous permet de communiquer avec nos amis, nous aide à chercher et à acheter. Mais entre temps, les fuites de Facebook nous ont aussi fait réaliser la quantité de données que nous semons, et dont les entreprises et les politiques abusent massivement. Nous prenons doucement conscience de l’importance de la confidentialité des données, et pourtant, caméras Nest et hauts-parleurs intelligents sont achetés en masse. Le véritable enjeu est de trouver l’équilibre entre confort et vie privée. Peut-être qu’il s’agit de la nouvelle monnaie de nos nouvelles normes. Et peut-être même qu’un « Digital twin », ou jumeau numérique, sera attribué à chacun d’entre nous. En fait, j’en suis moi-même convaincu. Mais quant à savoir si le tout premier grand ajustement à échelle mondiale doit tenir de la combinaison de notre état de santé à nos données de localisations, je serais encore bien incapable de le dire.
Et pourtant, ça y ressemble. Nous voulons tous sortir, entre autres pour pouvoir aller travailler comme nous pouvions encore le faire il y a à peine quelques semaines. La solution semble évidente : des prises de sang confirmant la présence d’anticorps, et donc notre immunité au corona, et l’utilisation d’une application de « contact tracing », qui nous assure de ne pas constituer une potentielle menace pour notre entourage. Oui, vous avez bien lu : nous devrons notre salut non à l’appli Cronos, mais à l’appli Corona ! Il n’y a pas plus SMAC que ça.
Le COVID-19 ne fait donc pas seulement vaciller notre santé, mais aussi notre vie privée ?
Sommes-nous condamnés à sacrifier notre liberté et notre confidentialité pour pouvoir jouir à nouveau de nos libertés professionnelles et vacancières ? Les applications qu’on qualifie de « contact tracing » sont configurées pour nous alerter lorsque nous avons approché quelqu’un de contaminé. Mais voulons-nous vraiment le savoir ? Et les personnes contaminées tiennent-elles réellement à ce que ça se sache ? Sera-t-il toujours temps d’inverser la tendance ? Au travers de nos GSM, certains systèmes référencent déjà les déplacements des flux de personne d’un lieu à l’autre, ainsi que l’affluence des parcs, des commerces et des stations-services. Ce suivi est rendu possible grâce aux données anonymisées de Google et des opérateurs de télécommunications.
L’idée est de coupler notre état infectieux au corona (sain/infecté/immun) à notre smartphone. Nous sommes ensuite placés en quarantaine si nous avons approché une personne infectée. Notre smartphone devient alors un bracelet électronique qui contrôle aussi que nous ne sortons pas de chez nous.
Pourquoi voudrions-nous de cette utilisation SMAC pour notre jumeau numérique, me demanderez-vous ?
- Pour permettre aux autorités sanitaires et aux pouvoirs publics de travailler de manière plus précise.
- Pour contenir la propagation du virus, pour identifier qui rentre en contact avec qui, et donc pour mieux cibler les mesures de quarantaine.
- Pour sensibiliser les personnes, pour nous recommander de rester chez nous via notre smartphone lorsque nous avons été exposés au risque de contamination.
- …
Ces applications sont désirables dans la mesure où elles nous permettraient de sortir massivement de chez nous.
Elles sont déjà efficacement instaurées à Singapour, en Corée du Sud et en Chine Mais elles ne sont certes pas les meilleures garantes de notre liberté et de notre confidentialité. Le RGPD serait-il la clé ? Cette solution est elle plausible en Belgique ? Nos dirigeants ont-ils l’autorité suffisante ? Un spectre de décisions énorme devra être appliqué à un rythme soutenu, et la population doit pouvoir suivre. Où se trouve la limite ? Tant de questions que nous renvoyons au Groupe des 10, un groupe constitué de dix experts responsables de notre déconfinement.
Jusqu’ici, notre pays s’en sort bien. Nous nous tenons à notre isolement et à toutes les mesures qu’il exige. Si vous m’aviez dit, il y a cinq semaines encore, que je ne pourrais pas me rendre à Paris avec ma famille pour les vacances de Pâques, je vous aurais ri au nez. Mais aujourd’hui, la réalité m’a prouvé le contraire. Les analyses sanguines et l’appli de « contact tracing » seront introduites comme un genre de petite chasse aux œufs.
Je n’aurais jamais cru, et encore moins imaginé, que de telles mesures puissent un jour être mises en place. Je tiens aussi à mettre en garde des raccourcis qui peuvent être faits lorsque la technologie représente la solution. Mettre les applis, les modèles de données et les notifications dans le même panier et estimer que le problème est réglé aux dépens d’un peu moins de liberté et de confidentialité me parait plutôt simpliste. Y a-t-il eu embrassade, combien de temps le contact a-t-il duré, a-t-il eu lieu à l’intérieur ou à l’extérieur ? Autant d’informations aussi pertinentes qu’importantes et dont les données Bluetooth de notre smartphone ne peuvent tenir compte.
Et pourtant, cette disruption est peut-être bien celle que nous espérions. Peut-être cette crise représente-t-elle le véritable point de départ d’une nouvelle révolution technologique – l’industrie 4.0 – dont nous avons tant parlé. Le SMAC marque dès lors le début d’une nouvelle ère, mais avec les considérations éthiques nécessaires et le respect de la vie privée. Pas de doute qu’il nous faut raison garder. Communication humaine verbale, interaction et empathie motivée sont en effet bien plus efficaces que les messages robotisés et les données de localisation de notre jumeau numérique. Anne Smits et nos collègues chez Monkeyshot nous en disent un peu plus dans un nouveau blog.
Back to the locals
Je vois déjà émerger quelques initiatives intéressantes qui présagent une « société inclusive ». Je les observe ne fut-ce qu’au sein de mon propre voisinage (code postal 3500 Hasselt ?), et non dans les présentations PowerPoint de Gartner à Barcelone.
La Haute École PXL et l’Université de Hasselt ont mis en place un Ma(s)ker-Space, un site Web qui regroupe et cartographie l’offre et la demande de matériel de protection pour le secteur des soins de santé limbourgeois. Les 23 imprimantes 3D de la PXL et de l’Université de Hasselt tournent jour et nuit. Leurs étudiants et collaborateurs produisent chaque jour une cinquantaine de composants de masques buccaux protecteurs. Via leur site Web Makerscollectief4Limburg, les centres de soins peuvent communiquer leurs besoins, et les entreprises qui souhaitent mettre leurs imprimantes à disposition ou les individus qui ont du matériel à donner peuvent s’y inscrire.
Production et participation locales : tout le monde est interpellé, et le matériel est produit sur place. Notre matériel vital ne dépend ainsi plus autant d’acteurs externes, comme par exemple la Chine. Cette initiative est aussi bénéfique à notre durabilité et à notre confiance en nous.
D’autres initiatives comme les Ruches, ces marchés où le commerce se fait localement et directement auprès des fermiers de la région, connaissent en moyenne un triplement de leurs commandes. Pas de cohue, de rayons vides ou de queues interminables à l’entrée des grandes surfaces. Vous achetez local, et comme la chaîne est courte, la communauté locale s’en retrouve renforcée. Un tel rapport à l’alimentation promet une évolution durable.
L’appel à soutenir les start-ups et scale-ups locales et nationales s’amplifie, et à juste titre. Notre pays compte tant de jeunes talents passionnés, prêts à gravir les échelons en tant qu’individu, start-up ou scale-up, et à contribuer à la durabilité de notre évolution.
Que le COVID-19 nous fasse réaliser à quel point il est primordial que nous nous concentrions sur ce dont nous disposons et ce dont nous sommes capables !
Je suis convaincu que bon nombre d’entre nous ont déjà compris, grâce à cette crise, l’importance des nombreuses opportunités dont la contribution est la promesse d’une existence paisible et pleine de sens.